top of page

Des combattants valeureux à la défense du pays

Pour la couronne française, l’utilité des coureurs de bois en Nouvelle-France n’était pas qu’économique et diplomatique. Dans une colonie d’abord confrontée à un conflit intermittent avec la Ligue des Cinq-Nations iroquoises — arrivée à terme avec la Grande Paix de Montréal en août 1701 — et à la menace impériale anglaise, une association naturelle émergea dans les discours populaires entre la course des bois et l’aptitude au combat.

La capacité à manier un canot, à survivre et à se déplacer en forêt, à dormir dans le froid, à porter de lourdes charges et à guerroyer parmi les Autochtones, voilà qui n’étaient pas à la portée de tous les colons d’origine européenne.

Grâce à leurs compétences face aux périls de la nature sauvage nord-américaine ainsi qu’à à leur connaissance des dynamiques relationnelles entre les Premières Nations et de leurs jeux sociaux, les coureurs de bois jouèrent un rôle militaire fort appréciable.

Selon l’historien français Gilles Havard, l’esprit guerrier serait même devenu un attribut commun de l’Autochtone, du coureur de bois et du Canadien.

𝗟𝗮 "𝗽𝗲𝘁𝗶𝘁𝗲 𝗴𝘂𝗲𝗿𝗿𝗲"

En Amérique du Nord, on ne faisait pas la guerre comme sur les champs de bataille européens. Sur le Vieux Continent, celle-ci se pratiquait avec de grandes armées hiérarchisées qui s'affrontaient en rangées, face à face, sur d'immenses champs de bataille. Dans ces affrontements ressemblant à des parties d’échec dont les troupes étaient stratifiées selon les castes, les individus étaient sacrifiés comme de la chair à canon au nom de victoires ponctuelles.

La guerre autochtone, quant à elle, reposait plutôt sur l'autonomie, les embuscades en forêt et la mobilité du combattant. Libre de ses mouvements, il se camouflait pour mieux poursuivre l’affrontement. Les risques qu’il prenait dépendaient davantage de son bon jugement que de décisions prises par une autorité supérieure.

Composant en permanence avec les sociétés autochtones, les Canadiens furent naturellement inspirés à faire la guerre à leur manière. C’est principalement auprès des Wendats, des Abénakis, des Algonquins et des Iroquois domiciliés, établis à proximité de Québec, Trois-Rivières et Montréal, que les habitants du Canada apprirent à guerroyer dans les forêts de l’arrière-pays — usant de tactiques de guérilla, aussi connue dans les annales à titre de "petite guerre".

Parmi les administrateurs coloniaux, tout le monde s’accordait quant à la supériorité des Canadiens sur les colons européens pour voyager, s’orienter et affronter toutes sortes de dangers.

Intendant du Canada à la fin du 17e siècle, Jean Bochart de Champigny ne manqua pas de noter que les Canadiens et les guerriers autochtones étaient "presque les seuls qu’on mettait en mouvement pour aller contre les ennemis", précisant que bien peu des troupes militaires importées de France étaient capables de les suivre dans leurs courses à travers les bois.

En 1686, une expédition composée d’une centaine d’hommes — coureurs de bois canadiens, Algonquins de même qu'une trentaine de soldats — réalisa un véritable tour de force contre la Compagnie de la Baie d’Hudson. Après avoir remonté la rivière des Outaouais puis emprunté une longue chaîne de lacs, rivières et portages, elle s’empara de trois postes situées sur la baie James. Ce périple guerrier de plus de trois mois en plein hiver fonda la réputation militaire des Canadiens.

De manière générale, les dirigeants coloniaux saisirent bien l’efficacité redoutable de ces hommes et en période de conflit avec les Anglais, elles les encourageaient allègrement à effectuer des raids qui s’avéraient dévastateurs contre les établissements frontaliers anglo-américains — de la Nouvelle-Angleterre jusqu’à la colonie de New York — afin de mieux maintenir l’ennemi sur un pied d’alerte.

Certes, les coureurs de bois préféraient naviguer librement sur les cours d’eau plutôt que d’avoir à risquer leur vie en affrontant des ennemis autochtones ou anglais. Néanmoins, en temps de guerre, nombre d’entre eux jouèrent un rôle militaire clé dans la défense de la colonie.

Crédit d’illustration : Gary Zaboly

bottom of page