Résumé et extraits d’une étude généalogique sur les Forget dit Despatis
Docteur Ulysse Forget, généalogiste.
Dans les actes laissés par Nicolas Forget dit Despatis, on trouve son nom écrit de deux manières différentes. Parfois c’est Forget et d’autres fois c’est Froget. Dans certain actes, on le désigne alternativement comme Forget et comme Despatis. Un grand nombre de ses descendants se nomment Despatis de préférence à Forget. Nicolas Forget, comme tant d’autres est venu sur les rives de la Nouvelle-France et y fit peu de bruit. Il y laissa cependant une nombreuse postérité. Les seules choses que l’on connaisse sur son compte sont les quelques actes qu’il a laissés. Est-il venu ici pour s’enrichir ! Est-il venu ici, en quête d’aventures! Voulait-il quitter Alençon au prise avec des guerres sanglantes entre protestants et catholiques, voulait-il simplement améliorer son sort ! S’il cultivait la terre, en France, il devait donner le travail de ses bras pour quelque pitance. L’espoir d’améliorer sa vie et fuir le fardeau des taxes et des corvées de toutes sortes, a dû motiver son dessein de venir au Canada.
Ses père et mère morts, et étant lui-même célibataire, l’idée de quitter sa patrie lui fut plus douce qu’à bien d’autres. Nous ne savons pas s’il avait des frères et des sœurs, mais il est probable qu’il en avait, puisque la famille nombreuse était partout en honneur à cette époque. Quand Nicolas Forget dit Despatis s’embarqua pour la Nouvelle-France, il y avait déjà plus de quarante ans que la ville de Québec était fondée. La colonie était passée aux mains des Anglais en 1629. Depuis le traité de Saint-Germain-en-Laye en 1632, Samuel de Champlain était revenu continuer son œuvre. Les tentatives de colonisation se faisaient plus intenses et plus sérieuses.
Monsieur de Maisonneuve avait fondé Ville-Marie (Montréal) en 1642, et on devait parler de l’Amérique dans les villes et les villages de la Normandie, d’où un grand nombre de colons étaient déjà partis. Avec les moyens de communication de l’époque, il était difficile de se tenir au point sur les choses de l’Amérique. Tout de même, Alençon, patrie de notre colon, était une ville assez importante située qu’elle était entre Paris et plusieurs ports de mer. Nicolas devait souvent entendre parler du Nouveau Monde, avec ses fleuves géants, ses grandes rivières et ses forêts vierges. La folle entreprise. Que disait-on des Amérindiens, du scorbut, des longs hivers! Les mœurs barbares de ceux qu’on appellaient Sauvages étaient connus en France, tant par les récits des voyageurs que par les relations des Jésuites. Et chez le peuple illettré, ces choses dites des uns aux autres, ne devaient pas manquer d’exagération. Il faut admettre que même sans exagération, les faits étaient assez probants pour faire reculer les plus braves.
Dans ce temps, la santé était le plus grand des biens, tout comme elle l’est encore aujourd’hui. Entreprendre un voyage de trois mois sur mer, s’exposer au naufrage autant qu’à la maladie, surtout au scorbut, ne devait pas être très invitant. On connaissait les ravages que la maladie faisait parmi les voyageurs et les colons du Canada. La pensée des longs hivers canadiens, le froid intense qui dure des mois devait aussi impressionner le peuple. Nos pères ont eu leurs heures d’angoisses, avant de s’embarquer pour la Nouvelle-France. Il fallait réellement un courage sans pareil pour ne pas reculer devant les périls d’un avenir tel que celui qu’on leur offrait. Il n’y avait pas de place pour les pusillanimes, dans les rangs de ces pionniers.
Nicolas Forget dit Despatis venait de la paroisse de Notre Dame d’Alençon. Aujourd’hui cette ville est le chef-lieu du département de l’Orne. Le révérend Père Archange, o.f.m., dans ses voyages de recherches, a visité les archives de Notre-Dame d’Alençon. Les régistres des baptêmes commencent en 1625, ceux des sépultures, en 1627, enfin ceux des mariages, en 1669. Le révérend père a trouvé l’acte de sépulture de la mère de Nicolas : Le 12 janvier 1648, a été inhumée Nicole Chevalier, veuve de Paul Froget. Ceci démontre bien que le nom de Froget était bien celui de Nicolas et non pas un nom emprunté au lieu de son origine. On peut penser qu’il put y avoir eu aussi une possibilité d’erreur de transcription lors de cet acte de sépulture. Ceux qui s’occupent de l’origine des noms, peuvent classer celui de Forget comme un vieux nom de France. Le nom Forget serait d’origine Normande. Les familles de ce nom sont fort nombreuses en Basse-Normandie et aussi dans le Perche. Bien entendu, nous savons que Nicolas porta le nom de Forget en Nouvelle France.
Québec
NICOLAS FORGET À QUÉBEC
On n’a pas trouvé le contrat d’engagement de Nicolas Forget dit Despatis. Nous croyons cependant qu’il est arrivé à Québec vers 1652. Cette affirmation est basé sur le fait que les célibataires se mariaient vite dans la colonie, et son contrat de mariage fait par Audouart, est daté du 25 novembre 1652. Donc, silence complet depuis son arrivée jusqu’à cette date. Mais Québec avait besoin de bras à cette époque et Nicolas dut y travailler sans aucun doute. C’est durant ce temps qu’il aurait connu Madeleine Martin, sa future femme, fille d’ Abraham Martin et de Marguerite Langlois.
Plaine d'Abraham
Au contrat de mariage, Audouard mentionne les témoins de Nicolas comme étant les amis de ce dernier. Ce sont Thomas Touchet, maître charpentier, Paschal Le Maistre, maître tailleur d’habits et Maurice Poullain sr Lafontaine, soldat en la garnison du fort de St-Louis de Québec. La future épouse est accompagnée de Jean Bourdon, ingénieur, de Noel Morin et de Mathieu Huboust. C’étaient des vieux amis de la famille, surtout Noel Morin, un des pionniers de Québec.
Madeleine Martin venait d’avoir se 12 ans, le 7 septembre 1652, et le 25 novembre de la même année, elle signait son contrat de mariage. Au recensement de 1666, Madeleine Martin déclare qu’elle a 25 ans. Au recensement de 1667, elle déclare qu’elle a 26 ans. Enfin au recensement de 1681, Madeleine qui avait épousé Jean-Baptise Fonteneau après la mort de Nicolas Forget, déclare avoir 40 ans. Il semble bien établi qu’elle est née en 1640. Elle se serait donc mariée vers l’âge de 12 ans et demi. De son coté, Nicolas avait près de 32 ans, on le disait né en 1620.
MARIAGE DE NICOLAS FORGET DIT DESPATIS ET DE MADELEINE MARTIN
Le 6 , de febvrier, 1653, après publication faite des trois bancs, le 8 dec. 1652, le 1e de janvier 1653 et le 5 du mesme moys, ne s’estant trouvé aucun empeschement. Je Hiérosme Lalement faisant fonction de Curé en cette paroisse ay interrogé Nicolas Froget dit Despastis fils de Paul Froget et de Nicole Chevalier ses Père et Mere de la Paroisse de Notre Dame d’Alençon ; et Magdelaine Martin fille de Abraham Martin et de Marguerite Langlois ses Père et Mere de cette Paroisse de Quebek, lesquels ayant donné leur mutuel consentement de present iay solennelement mariés dans notre Chapelle de Quebek en presence des tesmoins cognus Mons. Bourdon et le Sieur Chatillon, habitant de ce pays.
Il y eut deux douaires, le douaire coutumier, qui était ordinairement de 100 livre ou $25.00, et un douaire spécial de 600 livres au cas ou le mariage serait stérile. De son coté, le beau-père promet au futur époux la somme de cent livres, sur demande après la consommation du mariage. Madeleine recevait une valeur de 64 livres, en plusieurs Hardes, Ustensiles de Mesnage et Habits. De plus le jeune ménage demeurera avec les Martin leur vie durant et Nicolas recevra la moitié de la terre non désertée, c'est-à-dire non défrichée.
L’offre est assez allécha-te, mais pour faire vivre sa femme, Nicolas devait se mettre à l’œuvre tout de suite et défricher sa part de terre. Il n’est pas question qu’il pourra cultiver la terre faite, appartenant à son beau-père. Voici les intitulés des terres d’Abraham Martin : Acte de ratification par la Compagnie de la Nouvelle France de la concession de douze arpents de terre, faite à Abraham Martin (le 4 décembre 1635) par François Derré, sieur de Gand, au nom de sieur Samuel de Champlain, détenu au lit par la maladie (le 16 mai 1650) Acte de la donation par Adrien Duchesne (chirurgien), à Abraham Martin, de vingt arpents de terre en bois debout (par-devant Laurent Bermen) (10 octobre 1648) Nicolas Forget dit Despatis devenait donc le propriétaire de dix arpents de terre.
Il était bien important que la jeune Madeleine Martin, demeurât avec sa mère durant ses premières années de ménage. Il y allait aussi de l’intérêt de Nicolas, de voir son épouse bien préparée pour sa nouvelle vie de ménagère. Les clauses du contrat de mariage mettaient Nicolas sous la surveillance et peut-être la nomination de son beau-père.
COUREUR DES BOIS
A causer avec ses amis, il devait faire de rêves de voyages et d’aventures. Sa conduite le prouve, puisque le 6 août 1654, un an et demi, après son mariage, il forme une société avec Pierre de Launay, pour faire la traite des fourrures.
L’entreprise était alléchante, car plusieurs faisaient de gros profits dans ce négoce. Pierre de Launay fournira les marchandises et Nicolas ira au Mont Royal faire la traite. Le contrat spécifie qu’il a déjà 20 grandes haches, 100 livres de plomb, 2 fusils, 6 douzaines de bacques et une livre de peignes d’ivoire. On partagera les profits en parts égales après que les marchandises seront payées. C’est la grande aventure qui continue. Ce dut être plus intéressant pour Nicolas que pour Madeleine de partir pour Ville-Marie. Lui avait peu d’attaches à Québec, mais elle en avait : toute sa famille et les amis de la famille. Et puis, elle était si jeune, ayant à peine 14 ans.
Il s’agissait non seulement de s’en aller à l’étranger, mais à Ville-Marie, c’était aller se jeter dans les bras des Iroquois. Il y avait à peine 12 ans que le gouverneur, M. de Montmagny, avait essayé de convaincre M. de Maisonneuve de s’établir à l’île d’Orléans, à cause des incursions des Iroquois. On connaît la réponse de M. de Maisonneuve : Je ne suis pas venu pour délibérer, mais pour exécuter et tous les arbres de l’île de Montréal seraient-ils changés en autant d’Iroquois, il est de mon devoir et de mon honneur d’aller y établir une colonie
On savait aussi que les colons étaient exposés à des attentats quotidiens, de la part des sauvages. A cette époque, les conditions de vie à Montréal étaient devenues si dangereuses, que M. de Maisonneuve avait dû passer en France pour ramener des renforts. C’était l’année précédente qu’il était revenu avec sa fameuse Recrue de 1653. C’est dans ces conditions que notre première grand’mère quittait sa famille pour suivre son mari.
Nicolas ne pouvait pas limiter ses occupations au seul commerce des fourrures, dans un temps ou l’Iroquois menaçait de détruire Ville-Marie. Nous pouvons croire que la traite n’était qu’un à côté de ses allées et venues. Il fallait d’abord se battre pour son droit de vivre. C’est aussi à cette époque que M. de Maisonneuve établit sa colonie sur des bases tout à fait solides. Les spéculateurs n’étaient pas aussi bien vus du gouverneur de l’ïle, que ceux qui venaient s’y établir. En effet, il accordait de grands avantages aux habitants qui promettaient de passer leur vie sur l’île : 1-L’abandon des sommes qui leur ont été avancées. 2- La concession de trente arpents de terre près des limites de la ville pour la culture, et aussi d’un demi-arpent ou d’un arpent à l’intérieur de ses limites pour la construction d’une maison. 3- Le don d’une somme suffisante pour permettre à chacun de s’établir à Ville-Marie, à condition que cette somme lui soit remise par quiconque cessera d’habiter l’île de Montréal. L’obligation de passer sa vie dans l’île était personnelle et ne s’étendait pas aux enfants. (voir étude/suite)
Nicolas Forget s'installe à Montréal
Nicolas arrivait donc au temps le plus perilleux de l’existence de Ville-Marie. Il fallait s’attaquer à la forêt afin de pouvoir labourer, ou plutôt bêcher la terre pour y trouver sa nourriture. Il fallait construire une maison solide et l’entourrer d’une palissade pour mieux se défendre contre les attaques des Iroquois. Durant la nuit, on devait monter la garde à son tour.
Si Nicolas avait quitté Québec parce que le métier de défricheur était monotone, il ne retrouva pas autre chose à Ville-Marie. Les conditions de sécurité étaient précaires et il fallait exercer le métier de soldat à certains jours. Mais étant libéré de la tutelle de son beau-père, il pouvait rêver à l’aise : voyages, négoce et profits.
Ici, laissons la parole à M. le chanoine Lionel Groulx : Ville-Marie, c’est encore la fidélité héroïque à défendre un poste d’honneur. Pendant vingt ans, de la fondation au départ de Chomedey de Maisonneuve, la colonie fut un noviciat de chevalerie. Le péril est de toutes les heures, de tous les moments. Il faut que la vaillance le soit aussi.
Ces colons doivent labourer, semer, bâtir leur hutte et les forteresses et l’enceinte de la petite cité, sans que jamais l’épée ou le mousquet ne se sépare de la hache ou de la charrue. Du reste, l’établissement de la Pointe-à-Callière a tous les aspects d’une place forte.
Toute nouvelle construction, les moulins, l’hôpital, la brasserie, les fermes, les maisons deviennent des moyens de défense et les points d’appui d’une chaîne de redoutes. La petite cité grandit dans un décor militaire. De temps à autre, une alerte survient..dans la forêt prochaine des coups de feu retentissent, de sanglants corps-à-corps s’engagent. Le soir, un, deux, trois noms manquent à l’appel.
On persevèrait tout de même dans le travail de colonisation. Quelques-uns sont retournés en France, mais la plupart sont restés à leur poste. Un grand nombre sont tombés sous le tomahawk. D’autres sont morts prématurément, fauchés par les rigueurs du climat.
Nous ne trouvons pas d’actes officiels de Nicolas Forget de 1654 à 1662, si ce n’est le baptême de ses enfants. Michel, baptisé le12 mai 1656, est inhumé le même jour. Gabriel, baptisé le 9 juin 1659, est aussi inhumé le même jour. En 1662, on lui concède un demi-arpent de terre dans les limites de la ville, pour y faire sa demeure. Il est possible qu’il habitât cet endroit et que la concession ne lui fût donnée que plus tard, car il y avait huit ans qu’il habitait Montréal. On ne trouve pas le contrat de cette concession.
Il en eut aussi une autre de cinq arpents et demi en dehors des limites de la ville, accordée sans contrat. Dans le premier cas, c’est dans le terrier de la paroisse, que l’on mentionne cette concession. Il est dit : Un demi arpent de terre concédé à Nicolas Forget dit Despatis le 25 août 1662…nous n’avons pas de contrat dans nos archives. Cette concession se trouvait rue Notre Dame ouest, entre les rues St-Jean et St-François-Xavier.
Dans le second cas, au lieu de trente arpents réglementaires, pour faire la culture, il n’en eut que cinq arpents et demi. Encore ici, il n’y a pas de contrat. Nicolas caressait-il toujours ses rêves de faire la traite des fourrures! S’en occupait-il, même sur une petite échelle! Ces questions peuvent paraître sans importance, mais le fait est que Nicolas eut vingt-cinq arpents de moins que les autres colons. Malheureusement on en constate le fait, sans en connaître la raison.
LES RECENSEMENTS DE LA COLONIE
Dès son arrivée dans la Nouvelle-France, l’intendant Talon, en homme sage et éclairé, voulut connaître le bilan des ressources humaines et matérielles du pays. Il fit faire en 1666, le premier recensement de la colonie. Voici ce que l’on dit de notre ancêtre dans ce recensement :
Nicolas Forget dit Despatits 44 habitant
Magdelaine Martin 25 sa femme
Jacques Forget 4 fils
Le recensement de l667 nous donne plus de renseignements :
Nicolas Froget (dit Despatis) 47
Madeleine Martin, sa femme 26
Jacques 5
Marguerite, 14 mois
7 arpents en valeur.
Nicolas étant mort en 1680, son nom n’est pas dans le recensement de 1681. Madeleine Martin est mentionnée comme l’épouse de Jean-Baptiste Fonteneau. Ses enfants : Jacques 19, Louis 11, Guillaume 7, Jean-Baptiste 2 sont mentionnés sans nom de famille, mais ce sont les fils de Nicolas Forget. On mentionne aussi un autre fils : Jean 9 qui est peut-être un fils de Fontenau. Marguerite Forget 15, est déjà mariée à Jean Muloin.
NICOLAS FORGET DIT DESPATIS À CONTRECOEUR
Avec l’arrivée de l’Intendant Talon, une ère nouvelle s’ouvre pour la colonie. M. de Maisonneuve en rentré en France pour ne plus revenir. Ces événements ont dû influencer les va-et-vient de Nicolas, et nous verrons qu’il va encore s’occuper à faire la traite. Entre temps, sa femme lui donne un autre fils : Louis, baptisé à Montréal, le 14 août 1668.
Nicolas quitte Montréal puisqu’il fait l’achat d’une terre dans la seigneurie du Sr de Contrecoeur, le 20 juillet 1670. Pierre Barbarin dit GrandMaison lui vend une concession de deux arpents de large. Un bout sur le bord du grand fleuve Saint Laurent et aboutissant jusqu’à la profondeur et quantité qu’il plaira au Sr de Contrecoeur…avec une cabanne de pieux en terre. Le colombage et les poteaux en terre ou sur le sol étaient d’usage traditionnel au Canada. Le prix d’achat de cette terre était de sept vingt dix livres. Le vendeur reçoit comptant la somme de trois livres et une paire de soulier. Il faut croire que les souliers ne valaient pas grand-chose, puisque la quittance spécifie que : restant montant est la somme de sept vingt sept livres. La balance est payable dans six mois.
Durant ce laps de temps, Nicolas devra vendre ses concessions de Montréal, ou faire la traite. En effet le 6 novembre 1670, Madeleine Martin, munie d’une procuration, vendait sa concession d’un demi-arpent au chirurgien Antoine Forestier. Dans cet acte on mentionne que Nicolas Froget est habitant de la Pecaudière, sans doute une section de la seigneurie, puisque la déclaration annexée au contrat spécifie : habitant dem’t à Contrecoeur.
Cette concession dans Montréal, était située rue Notre Dame, entre les rues St-Jean et St-François-Xavier…commençant d’un bout au chemin pour aller à l’hopital et d’aue bout aux terres non concedés. Le plan se trouve dans le terrier de la paroisse. Il est intéressant de noter la sommaire description de la maison : une maison de pieux à coulice couverte de planches chevauchées, les uns sur les au’res.
Il est aussi spécifié par Nicolas, qu’il possède un contrat fait par le Gouverneur de la d’te isle faisant pour les Seigneurs D’Icelle en date du vingt cinquième août gbic soixante et deux. C’est ce contrat que l’on mentionne dans le terrier, comme n’étant pas dans les archives. Jusqu’à ce jour, ce contrat demeure introuvable. Le prix de vente est de deux cents livres.
Il y aurait assez d’argent pour payer sa nouvelle terre, dont le paiement sera dû dans deux mois, mais voyons : La venderesse a reconnu avoir receu dud Sr achepteur la somme de cent trente cinq livres huit sols et six deniers Tournois, scavoir pour avoir pansé et médicamenté pendant deux mois. De plus il devait être à peine convalescent, puisqu’il ne pouvait être présent à la vente de sa propriété. Sa procuration étant datée du 23 octobre, il avait prévu qu’il ne pourrait pas venir à Montréal le 6 novembre.
On ne dit pas cependant si le chirurgien allait le traiter à Contrecoeur ou si Nicolas était hospitalisé à Montréal. Il semble qu’Antoine Forestier dut aller le saigner et le purger chez lui, en visitant d’autres malades. Si l’on pense pour un instant aux difficultés des voyages à cette époque, le chirurgien devait même passer plusieurs jours dans les seigneuries éloignées, afin de pouvoir traiter tous ceux qui réclamaient ses soins.
SIEUR DE MAISONNEUVE
L’énumération du paiement se continue sur le contrat : Cinquante livres payé au nommé Pigeon à l’acquit des vendeurs. Douse livres au notaire…Et voici une chose très intéressante qui montre bien que Nicolas est encore intéressé à la traite des fourrures. Dix sept livres unze sols en castors en deux fois. Enfin il restera une balance de soixante et quatre livres à payer et il est spécifié qu’elle le sera …en quinze jours en pelterie bonne loyale et marchande au prix des marchands…Il est probable que les chirurgiens se faisaient payer en effets. Et il s’est trouvé des époques ou les fourrures valaient plus que l’argent.
Dans le même acte, Madeleine Martin accepte d’Antoine Forestier, la somme de cinquante-neuf livres qu’elle remet elle-même à Jean Gasteau …en deduction de certaine obliga’on a luy passée par Nicolas Forget.
Le 31 octobre 1672, Nicolas Forget passe un autre acte chez Basset. C’est le transport d’une terre au Messieurs de St-Sulpice. Cette terre de cinq arpents et cinquante perches, était divisée en deux : Un arpent et un tiers d’arpent, tenant d’un costé la tere de l’église, d’un bout la tere de desfunct le Clos, d’autre bout celle de René Culerier dit l’Eveillé. L’autre pièce : Contenant quatre arpents et dix neuf perches tenat d’un costé la tere du Sr Carion, d’autre le petit lac de St Gabriel et d’un bout la tere des religieuses et léveillé et d’autre. Celle de la ditte église. M.E-Z Massicotte était d’avis que la propriété qu’on appelait la terre de l’église à cette époque, est devenue plus tard la ferme Saint-Gabriel. Cette ferme était située aux environs des rues Richmond et des Seigneurs, près du canal Lachine.
Cette terre est vendue deux cents quarante livres, huit sols et sur ce Nicolas doit cent soixante-dix livres quatre sols au séminaire, pour bonne marchandise de France et bled froment. Le même créancier d’il y a deux ans, Jean Gasteau est encore là pour collecter quarante et une livres. La balance sera payée dans un an. Et ceci sans préjudice à ce que Nicolas peut devoir sur les livres de compte de feu Monsieur Galinier. Il n’a pas de titres, parce qu’il n’a pas de contrat de concession : Les dittes choses avaient esté baillées seulement par led Sieur de Maisonneuve verbalement à la charge de les retirer pour être remy aud Domaine en payant les travaux faits sur icelle tere…
Nicolas, pressé peut-être par le besoin d’argent, demande la balance qui lui est due, avant la date de l’échéance. La dette du séminaire est de soixante et dix huit livres, et Nicolas doit cinquante-huit livre à feu Monsieur Dominique Galinier, depuis plusieurs années, pour du bled, de la toile et des vivres. Enfin, nous pouvons croire que Nicolas, à cette date, avait définitivement reglé ses affaires à Montréal. Le 8 août 1674, on le trouve encore sur la rive sud du fleuve : son fils Guillaume est baptisé à Boucherville, ce jour-là.
Iroquois
NICOLAS FORGET À LACHENAIE
En 1675, nous trouvons notre ancêtre établi dans la seigneurie de la chenaye. Le 24 février il vient à Montréal, faire une déclaration en faveur d’un ancien voisin, Jean Milot. Ce dernier n’a pas de titre pour son demi-arpent de terre, situé dans l’enceinte de la ville. Cette déclaration est très intéressante. Elle nous montre bien le caractère paternel et démocratique de M. de Maisonneuve. Il visitait les colons, leur parlait probablement de leurs besoins, recevait leurs confidences et remontait leur courage dans leurs peines.
Voyons ce que Nicolas déclare : M. de Maisonneuve cayant reposé en la maison deu comparant. Si le gouverneur s’était reposé ce jour là rue Notre Dame, d’autres fois, il devait se reposer chez les autres colons. C’était peut-être pour lui, un moyen détourné de voir ses gens dans l’intimité et leur permettre de parler à cœur ouvert. Nicolas décrit ensuite la sortie du gouverneur et sa rencontre avec Jean Milot.
Il relate le marché conclu entre les deux et donne quelques traits se rapportant à la petite histoire : Et a veu l’hyver en suivant led comparant charier des pieux pour entourer led demy arpent qui furent faits plante le printemps dapres par led Milot. Cela décrit bien la coutume de construire des palissades autour des maisons pour se protéger contre les attaques des Iroquois. Enfin : pour y avoir veu semer led Milot, des choux, des citrouilles, et autres graines…Voyez-vous le potager dans chaque petite enceinte ! C’est peut-être de cette époque que nos mères ont hérité de leurs goûts, pour le petit jardin près de la maison.
Rivière des Milles Iles, Lachenaie
Cette déclaration permet à Jean Milot d’avoir le titre pour son lot de terre, et nous fait revivre avec notre ancêtre, toute une heure de sa vie. Ce fut le dernier acte officiel de Nicolas Forget. Dans un contrat de vente de Jean Baptiste ll Forget à son frère Guillaume ll, on mentionne une concession faite à Nicolas Forget dans la seigneurie de Lachenaie : par les successions à eux eschues de leursd père et mere et ququel lad fermier de Mr. Aubert Seig’r de la Chesnaye par contrat passé par devant frerot Nor’Royal le 4 août 1676 rattifié par Mr. Bazire led mois avant Daoust 1676. Il était donc déjà rendu à Lachenaie depuis plus d’un an, avant d’avoir cette concession, puisque sa déclaration en faveur de Milot est datée le 24 février l675. Cet acte de Frérot demeure introuvable.
Mademoiselle Estelle Geoffroy, de Joliette, a fouillé les greffes des trois notaires Archambault, de Thomas Bédard, de Joseph Daguilhe, des quatre Faribault, de l’honorable Barthélemy Joliette et de Louis Loiselle. Tous ces notaires ont exercé leur profession dans la région. Ces recherches ont été faites dans le but de trouver un testament ou un inventaire laissé par Nicolas Forget. Rien de cela.
Il est certain qu’un certain nombre de contrats ont été détruits, lors de l’incursion des Iroquois, le lendemain du massacre de Lachine. Le 7 octobre 1734, dans une déclaration faite par devant le notaire Senet, portant le numéro 1098, Louis ll, Forget le dit : Louis Forget habitant de la Chesnay…qu’il y a environ quarante ans quil possedoit une concession scysse et scituée audit lieu de la Chesnaye…et comme le contrat de concession est perdue ou bruslé par lincursion des hiroquois audit lieu de la Chainoys…disons en passant qu’il ne faut pas s’étonner de l’orthographe de Senet. De l’opinion de M.E-Z. Massicotte, les papiers de ce notaire sont des plus difficiles à lire.
Louis,ll, Forget déclare donc que le contrat original de sa concession a été détruit. Il ne parle pas d’autres actes, mais s’il en possédait, tout fut détruit. Le dernier enfant de Nicolas fut Jean Baptiste. Il serait né en 1679. L’endroit de sa naissance n’est pas mentionné : Tout de même, je suis certain qu’il ne fut baptisé ni à Repentigny, ni à Boucherville, ni à Montréal.
Sépulture de Nicolas Forget
Extraits des registres de baptêmes, de mariages et de sépultures de la paroisse de Repentigny pour l’année l680.
Le sixième jour du mois d’avril, de l’année mille six cent quatre vingt est décédé dans la communion de notre mère la sainte église, Nicholas Forget dit Despatis agé de plus de soixante ans sans avoir reçu les sacrements de viatique et d’extrême-onction pour avoir d’abord perdu la parole, natif de lile habitant de Lachenaie a été le jour suivant enterré dans le cimetière de Repentigny en présence de Auguste Viger commandant de l’ile et d’Augustin Legardeur qui ont signé et de François Ethier qui a déclaré ne savoir écrire ni signer de ce j’interpellai suivant l’ordonnance.
J.Morel ptre Miss.
L’acte de sépulture dit que Nicolas a perdu l’usage de la parole. C’est vraiment trop général pour permettre de faire un diagnostic. Tout de même, voyons ce qui arrive le plus souvent chez une personne de son âge. Un état aigu se greffera sur une maladie chronique : une hémorragie cérébrale compliquera une hypertension artérielle : un coma fera un moribond du diabétique ou du néphritique dans l’espace d’un ou de deux jours. N’importe laquelle de ces maladies peut avoir causé la mort de notre ancêtre. Le missionnaire qui signa l’acte de sépulture, y glissa une erreur : il est dit que Nicolas est natif de l’île. Tout ce que nous savons c’est qu’il est né en France.
Nicolas a fini son pèlerinage. Requiescat in pace !
LES ENFANTS DE NICOLAS FORGET ET DE MADELEINE MARTIN
Les deux premiers enfants de Nicolas Forget et de Madeleine Martin furent deux fils : Michel et Gabriel. Ils furent respectivement baptisés à Montréal, le 12 juin 1656 et le 9 juin 1659. Tous les deux furent inhumés le jour de leur naissance. Un autre fils, Jacques, baptisés à Montréal, le 29 juillet 1662, fut inhumé à Deschambault, le 8 avril 1728. Il était célibataire. Serait-il mort au cours de l’un de ses voyages ! Dans les inventaires des greffes des notaires, par M. Antoine Roy, il n’y a pas d’intitulés se rapportant à Jacques Forget. Son nom est mentionné dans l’acte de vente de Jean-Baptiste Forget à son frère Guillaume, ou l’on fait le partage des biens de Nicolas Forget et de Madeleine Martin. Jacques Forget estant absent estant de p’nt en environs de Québec…Avait-il hérité de Nicolas, le goût des voyages ! Était-il coureur des bois ! Etant célibataire et n’ayant pas laissé d’actes officiels, on peut croire que son existence fut peu stable.
Le quatrième enfant fut une fille, Marguerite, baptisée à Montréal le 8 avril 1666. En 1681, elle épouse en premières noces, Jean Muloin. Ils eurent deux fils et une fille. Son deuxième mariage eut lieu en 1695, avec Jean Berloin. Ils eurent cinq enfants. Elle dut mourir des suites de couches, puisqu’elle fut inhumée le même jour que son dernier enfant fut baptisé, le 26 juillet 1704.
Un cinquième enfant, Louis, fut baptisé à Montréal, le 14 août 1668. Il épousa Elizabeth Ethier, à Lachenaie, le 2 mars 1688, et fut inhumé au même endroit le 24 février 1740. Ils eurent 16 enfants dont deux couples de jumeaux et une naissance multiple de trois enfants. Louis est l’ancêtre du sénateur Louis Joseph Forget, du député et financier Sir Rodolphe Forget, de l’ancien député libéral Claude Forget. Ses descendants se trouvent encore dans la région de Terrebonne, les Laurentides, dans Montréal, et aussi dans toute la banlieue de Montréal. Aux Etats-Unis, on les trouve dans le Rhode Island, le Massachussets et l’état de New York.
Le sixième enfant, Guillaume, fut baptisé à Boucherville, le 8 août 1674. Guillaume épousa Barbe Beauchamp à la Pointe-aux-Trembles, le 24 novembre 1698. Il est mort à l’Hôtel-Dieu de Montréal, le 28 août 1713. Il devait être bon canotier, puisque le Sieur Perotin l’auroit chargé en partant de conduire en cette ville un canot chargé de vingt deux pacquets de castors en robes de Missillimakina…il est mort à l’âge de 39 ans. L’on sait toutefois que ses descendants ne sont pas nombreux. Aurait-il ruiné sa santé dans les durs voyages des pays d’en haut !
Le septième et dernier enfant de Nicolas est Jean-Baptiste. On ne connait ni l’endroit ni la date de sa naissance. Le resensement de 1681 lui donne deux ans. Le 22 novembre 1700, il épouse Jeanne Beaudoin, à Repentigny. Il est inhumé à Lachenaie, le 13 août 1733. Ses descendants se trouvent encore aujourd’hui dans le nord, de Ste-Rose jusqu’au-delà de Mont-Laurier, ainsi que dans la région de Montréal. On les retrouve également aux Etats-Unis. Ses fils les plus illustres sont les patriotes de 1837, Charles, Étienne et Jean-Baptiste Forget, tous décédés en combattant à St-Eustache. De Michel Forget artiste bien connu, et homme d’affaires. De Alexandre Despatie, athlète olympique de renommé internationale. Cette branche est aussi remarquable par son attachement à la terre et ses familles nombreuses.
Les descendants de Nicolas Forget dit Despatis se classifient parmi les belles et grandes familles du Québec.
ULYSSE FORGET, M.D. généalogiste
Warren, R.I. Etats Unis.