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Des frontières entre religion et mysticisme autochtone qui s'entremêlent

Depuis leur tendre enfance, les coureurs de bois canadiens étaient imprégnés d’un héritage catholique et baignaient dans une culture populaire qui acceptait les rites magiques et les cérémonies divinatoires. Néanmoins, initiés à de nouveaux rythmes de vie et composant en permanence avec les sociétés autochtones, ces hommes n’étaient certainement pas des fidèles ordinaires.

Compte tenu de l’importance du mystique dans leur culture, ils reflétaient — tel que l’apprend l’historien Gilles Havard — une structure psycho-spirituelle proche de celle des Premières Nations et, sans difficulté, ils pouvaient souscrire à leurs croyances animistes.

Au cœur des tribulations, les coureurs de bois exécutaient des rites chrétiens rassurants — notamment le recours à la protection des saints — qui pouvaient présenter des points de convergence avec les pratiques mystiques autochtones.

Devant un site sacré pour les Premiers Peuples, ils offraient leur respect et mettaient en œuvre des cérémonies en conformité avec leurs intentions. Ils pratiquaient régulièrement des offrandes aux forces de la nature — pour les apaiser ou pour obtenir leur faveur. Tout en maintenant leur bagage chrétien, ils pouvaient spontanément s’approprier des gestes autochtones quand ils étaient eux-mêmes à la recherche de sécurité.

Tout au long du parcours, les paysages étaient remplis de lieux chargés de mémoire — par exemple, un accident topographique associé par les Premières Nations à un certain récit mythologique — et de signes, parfois mystiques, que seuls les plus anciens savaient déchiffrer.

Sans doute, dans le cours du voyage, les frontières entre catholicisme populaire et animisme autochtone avaient parfois tendance à se brouiller, voire à s’enchevêtrer.

S’adapter aux réalités de l’arrière-pays

Dans la remontée vers les Grands Lacs, on avait coutume de baptiser les novices en les aspergeant d’eau à l’aide d’une branche d’arbre ou bien par immersion complète en guise de consécration au sein de la confrérie des voyageurs.

Ce rituel signifiait non pas l’entrée dans la vie chrétienne, mais plutôt dans un univers païen, tel un rite de passage par lequel le catholicisme s’adaptait aux réalités de l’intérieur du continent.

Désormais livrés à eux-mêmes dans ces vastes contrées sauvages, ces hommes pouvaient ainsi s’accorder des libertés inadmissibles dans les établissements de la colonie en parlant de "laisser le bon dieu à Montréal" ou de le "mettre en cache".

Au-delà du partage d’une vision commune du monde, l’intégration dans les sociétés autochtones passaient aussi, parfois, par l’initiation au chamanisme.

Les coureurs de bois se montraient particulièrement réceptifs aux prouesses de leurs femmes et hommes-médecines, alors qu’on les sollicitait pour soigner les blessures et les maladies, prédire le succès d’une expédition de chasse ou de guerre, retrouver des objets perdus, communiquer avec une bande de chasseurs ou une communauté voisine et autres.

Dès les premiers truchements français au début du 17e siècle, précurseurs des coureurs de bois, on avait adopté avec enthousiasme la "tente de sudation" (sweat lodge) — sorte de sauna aux vertus curatives, voire mystiques, fait de pierres brûlantes et de vapeur d’eau au sein d’un abri circulaire couvert de peaux. Tout au long de leur histoire, les coureurs de bois en ont raffolé.

L’acculturation de ces "Autochtones blancs" varia selon les individus, en fonction de leurs expériences et de leurs prédispositions personnelles. Chose certaine, pour le plus grand nombre, elle se concrétisa par l’adoption de comportements et de pratiques qui les valorisaient auprès des Premières Nations ou qui satisfaisaient leurs propres besoins spirituels.

Crédit d’illustration : Alfred Jacob Miller

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