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L'appel de l'éros et de l'amour

L’intimité entre les peuples n’est jamais aussi forte que lorsque les cœurs et les corps s’entrelacent. En Nouvelle-France, nul doute que l’appel de l’Ouest n’était pas seulement celui des fourrures, mais aussi celui de l’Éros et de l’amour.

Ce métissage interethnique avait d’abord été initié par ces dizaines de jeunes interprètes français (appelés "truchements") que Samuel de Champlain avait confiés à ses alliés autochtones dès le début du 17e siècle afin d’apprendre leur langue et leur culture. Ces hommes vécurent parmi leurs hôtes durant de longs mois, voire des années — là où abondaient des femmes, belles, souveraines de leur corps et accueillantes.

Au fil des décennies, ils seront suivis par des centaines — et éventuellement des milliers — d’esprits libres à quitter annuellement les établissements de la vallée du Saint-Laurent pour se lancer dans l’aventure de l’Ouest.

Un vaste espace de liberté

Au Canada, l’âge moyen pour devenir époux était de près de 28 ans. Cela signifie qu’une quinzaine d’années s’écoulaient entre la puberté et le mariage dans un contexte social où, aussi tard qu’au dernier tiers du 17e siècle, on ne comptait qu’une seule femme nubile pour six à sept hommes célibataires.

Dans cet intervalle, et même au-delà, et devant un tel déséquilibre des sexes, les jeunes aventuriers canadiens ne se faisaient pas prier pour s’évader de la routine et décamper dans l’arrière-pays afin d’aller traiter avec les Autochtones tout en jouissant d’un espace de liberté dont ils n’auraient jamais pu rêver à l'intérieur de la colonie.

Chez les Premières Nations, libres de toute notion de péché, c’était l’assouvissement — et non la répression — des désirs charnels qui favorisait une bonne santé. Ainsi, parmi elles, il était possible pour ces jeunes étalons de vivre une sexualité libérée des contraintes imposées par l’ordre religieux et colonial.

De surcroit, en s’associant à une partenaire autochtone, le coureur de bois s’assurait d’une aide précieuse face aux périls du métier tout en se voyant offrir des contacts humains empreints de douceur, d’affection et de plaisirs.

En échange, le voyageur était perçu par elle et son clan comme un pourvoyeur de précieuses marchandises européennes — devenues désormais des nécessités de la vie du monde autochtone. D’autant plus, au 17e siècle, le nombre de femmes dans ces sociétés était supérieur à celui des hommes, alors que ceux-ci mouraient davantage à la guerre et à la chasse.

Le rituel de "l’allumette"

Dans les maisons longues et les wigwams de l’arrière-pays, les corps se liaient et les unions se consommaient, souvent selon des codes et des rituels amoureux d’une surprenante délicatesse.

L’un d’eux consistait à "courir l’allumette". Pour le galant, il s’agissait d’enflammer une sorte d’allumette faite de roseau séché à partir d’un feu qui brûlait en permanence au milieu de chaque alcôve. La frêle tige à la main, il se dirigeait vers le lit de sa dulcinée.

Si elle soufflait ou éteignait la flamme, elle lui donnait la permission de se coucher à ses côtés. Toutefois, si elle s’enfonçait dans sa couverture, il devait se retirer car cela signifiait le refus de le recevoir. Respectueux du principe du consentement, ce rituel témoigne du haut degré de finesse des Premières Nations en la matière.

Émergence de familles métisses

La pratique du commerce franco-autochtone et la proximité entre les peuples en Nouvelle-France favorisa l’émergence de mariages mixtes en bonne et due forme entre Canadiens — mais aussi Acadiens — et Autochtones.

Source de prestige pour les clans qui y prenaient part, la multitude de ces relations conjugales formelles contribua à consolider les liens commerciaux et diplomatiques qui permettait l’existence de la Grande Alliance franco-autochtone, véritable colonne vertébrale de la présence française en Amérique.

Au cœur de cette rencontre unique de civilisations si différentes, bon nombre de familles métisses — elles aussi fondatrices des peuples canadien et acadien — émergeront et assureront des descendances prolifiques tant au sein des communautés autochtones à l’échelle du continent que dans la vallée du Saint-Laurent et dans les Maritimes.

Crédit d’illustration : Martin Grelle

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