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Atout à la colonie ou péril à son bon ordre! 

Tout au long de l’histoire de la Nouvelle-France et même au-delà, les coureurs de bois jouissaient d’un important prestige au sein de la population canadienne de la vallée du Saint-Laurent.

Néanmoins, aux yeux des autorités administratives et cléricales, le caractère indépendant et l’indocilité de ces hommes étaient aussi perçus comme un péril social alors que leur mode de vie renvoyait à certains démons de la société française d’origine comme le nomadisme forestier, l’ensauvagement et le libertinage.

On craignait aussi que la passion généralisée des Canadiens envers la course dans les bois ne devienne un frein au développement de l'agriculture dans la vallée du Saint-Laurent et ne retarde l'établissement de la vie de famille

Pour leur part, les coureurs de bois s’unissaient librement à des femmes autochtones, faisaient parfois le commerce illicite d’alcool et évitaient la supervision des prêtres et des seigneurs.

À maintes reprises, leur attitude libertine et leurs comportements insoumis furent dénoncés dans les correspondances des dirigeants de la colonie. Pour ces derniers, la rectitude morale, la chasteté ou la monogamie — sous la bénédiction du sacrement du mariage — constituaient l’idéal et l’on attendait que ces Canadiens s’y conforment durant leur séjour dans l’Ouest. À leur grand désarroi, les Autochtones avaient des valeurs culturelles différentes de celles des Européens et l’abstinence n’en faisait pas partie.

Par ailleurs, leur sens de l’honneur (personnel et familial), l’amour de la chasse, le culte des armes, le plaisir qu’ils se donnaient à passer de longues heures à converser et à fumer, ces postures étaient associées traditionnellement à des valeurs et à des pratiques propres à l’aristocratie européenne.

Décontenancés, les officiels coloniaux tentèrent bien de contenir leurs ardeurs et de limiter leur nombre par le biais d’un système d’octrois de permis, mais sans jamais y arriver tout à fait.

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À partir de 1668, à l’image de ces hommes libres et indomptables, on assista à l’apparition d’un réseau de traite clandestin où l’on interceptait des fournisseurs autochtones de fourrures en amont de Montréal pour en faire le commerce sans payer les droits réclamés par le monopole royal.

Profitant de l’immensité de l’arrière-pays, les coureurs de bois qui désobéissaient aux règles échappaient le plus souvent aux sanctions qui leur étaient promises dans la colonie, d’autant plus que la collusion de certains dirigeants faisait partie intégrante des opérations de traite dite illégale.

En effet, bon nombre bénéficiaient de complicités à la fois de marchands et d’officiels bien en vue dans la colonie — dont le gouverneur Louis de Buade de Frontenac fut le plus notoire — alors que la frontière entre légalité et illégalité avait tendance à être constamment réajustée en fonction des intérêts des uns et des autres.

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Dans ce contexte, c’est avec une profonde ambivalence que les autorités françaises percevaient les coureurs de bois canadiens. D’un côté, on les accusait d’irrévérence, d’enfreindre les codes sociaux établis et de transgresser les hiérarchies anciennes importées du Vieux Continent.

De l’autre côté, par leur présence sur le terrain et le commerce qu’ils pratiquaient avec les Autochtones, les coureurs de bois constituaient les représentants du pouvoir que la couronne française tentait de projeter à l’échelle de l’intérieur du continent nord-américain.

Après tout, leurs voyages annuels à l’Ouest assuraient des bénéfices économiques essentiels à la colonie tout en permettant de nourrir et de maintenir en place la Grande Alliance avec les Premières Nations.

Au 18e siècle, n’ayant d’autre choix que de constater leur impuissance à contenir l’ardeur de ces aventuriers de la forêt boréale, les officiels coloniaux se résoudront à tenter d’en tirer le meilleur profit possible.

D’autant plus, en temps de guerre, ces hommes courageux et pleinement adaptés à leur environnement sauvage s’avéreront de redoutables et valeureux défenseurs du pays.

Crédit d’illustration : Francis Back

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